« Les Sept Jours de Simon Labrosse », de Carole Fréchette (critique de Cédric Enjalbert), Présence Pasteur, Avignon Off 2008

 

La « positive attitude »
« Les Sept Jours de Simon Labrosse » présentés en une soirée, c’était au théâtre Présence Pasteur durant le Off 2008. La comédie de Carole Fréchette, ici mise en scène par Stéphane Hervé, traite avec intelligence, humour et fantaisie des malheurs de la pression sociale : être dynamique, créatif, optimiste, être soi-même, être flexible et productif… et autres injonctions politiquement correctes. Édifiant et hilarant.

 

Simon Labrosse est au chômage, mais Simon Labrosse a le sourire, et puis il a du potentiel. Il désire s’en sortir, c’est un battant, et puis il a le sourire. Simon Labrosse est donc un gagnant avec le sourire. Sa vie est un genre de start-up au quotidien : un jour, une idée, un emploi. Jour un : cascadeur sentimental, endosse pour vous les situations de conflit potentiel. Jour deux : créateur de vie en situation de premier rôle. Trois : finisseur de phrases. Quatre : flatteur d’ego. Cinq : allégeur de conscience. Six : amoureux à distance. Bref, il a ce que d’aucuns appellent la positive attitude. Comme Nathalie, du reste, bien dans son corps, bien dans sa tête. Avec Nathalie, c’est « be yourself ! », un programme bien-être (qu’elle tente désespérément de vous refiler pendant le spectacle) parce que l’épanouissement personnel, c’est e-ssen-tiel. C’est d’ailleurs ce que Léo, le dernier du trio, n’a toujours pas compris, lui qui se prend pour un poète maudit avec ses vers de malheur et ses idées noires. Il mériterait bien un petit coup de coaching celui-là.

 

Les trois comédiens débordant d’énergie évoluent dans un décor précaire et mobile fait de quelques boîtes et d’une porte montée sur roulettes, propre à s’adapter au rythme de la succession des saynètes. Car il s’agit bien, chaque jour passant, de saynètes, si bien que le spectacle est à mi-chemin de la comédie et du café-théâtre. Ce dont témoigne le dialogue constant avec le public, la prise à partie des spectateurs. Nathalie (Sévérine Porzio), Léo (Stéphane Hervé) et Simon (David Braun, mention spéciale pour sa performance) sont étonnants de vigueur. Et leurs apparitions rythmées font de cette heure vingt de spectacle un divertissement sans temps mort.

 

La voix off, assumée tantôt par Léo tantôt par Nathalie, donne toutefois une dimension critique à ce divertissement en le mettant à distance. Ainsi, lorsque Simon finit, au septième jour de sa semaine de chômeur ordinaire, par boire une bouteille de whisky pour se remettre de sa journée (quand il buvait un thé vert les premiers jours), lorsqu’il s’annonce « remplisseur de vide », lorsque son éternel sourire désormais figé sur le visage d’un homme toujours aussi tragiquement enthousiaste finit par transpirer le désespoir, ainsi, donc, comprend-on la pression que fait peser la société sur tous ceux qui ne sont pas en phase avec ses injonctions : bonheur, créativité, réactivité, réussite à tout prix.

 

Enfin, et parce que la compagnie « Des ils et des elles » regroupe des comédiens décidemment très talentueux, des actions culturelles « drôlement utiles » sont mises en place sous le label « théâtre outil » pour accompagner le spectacle : ateliers d’expression, de « redynamisation », accompagnement à la recherche d’emploi, etc. Mis sur Internet, cela donne : www.theatreoutil.com. ¶

 

Cédric Enjalbert

Les Trois Coups

www.lestroiscoups.com


Les Sept Jours de Simon Labrosse, de Carole Fréchette

Compagnie Des ils et des elles • 27, rue de Unna • 91120 Palaiseau

www.simonlabrosse.com

Mise en scène : Stéphane Hervé, assisté d’Amélie Dumetz

Avec : David Braun, Stéphane Hervé, Séverine Porzio

Costumes et décors : Amélie Dumetz

Son et lumières : Benoît Dallongeville

Présence Pasteur • 13, rue du Pont-Trouca • 84000 Avignon

Réservations : 04 32 74 18 54

Du 10 juillet au 2 août 2008 à 21 h 45

Durée : 1 h 20

12 € | 8 €